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Semaine de prière pour l’unité des chrétiens: le Christ est-il divisé?

Comme tous les ans à  pareille époque, tous les chrétiens prennent conscience qu’il existe des manières très diverses d’adorer Dieu. Plus particulièrement en cette quatrième semaine de janvier, nous sommes tous, orthoxes, protestants et catholiques, appelés à  prier de tout notre coeur pendant cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Plus que de penser simplement à  nos frères chrétiens issus d’autres confessions, adressons à  Dieu notre Père unique, la vraie prière de ses enfants qui s’aiment et qui plaît à  notre Seigneur:


Seigneur Jésus, qui à  la veille de mourir pour nous, as prié pour que tous tes disciples soient parfaitement un, comme toi en ton Père et ton Père en toi,
Fais nous ressentir douloureusement l’infidélité de notre désunion.
Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance et même d’hostilité mutuelle.
Accorde-nous de nous rencontrer tous en toi afin que de nos mes et de nos lèvres monte incessamment la prière pour l’unité des Chrétiens telle que tu la veux, par les moyens que tu veux.
En toi qui es la charité parfaite, fais nous trouver la voie qui conduit à  l’unité dans l’obéissance à  ton amour et à  ta vérité.
Amen.


Dans la suite de l’article, retrouvez comment ce prêtre français, le Père Couturier, est à  l’origine de cette belle semaine d’unité !

Aux origines de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens

A Lyon, en 1913, le père Paul Couturier (1881-1953) commence à s’occuper des réfugiés russes qui cherchent à fuir la révolution d’octobre. La colonie orthodoxe, qui arrive à rassembler une nouvelle communauté de 10.000
personnes, entre le centre-ville et la banlieue, devient son école de charité, où apprendre à ouvrir son coeur au-delà de la frontière confessionnelle.

C’est ainsi que commence l’histoire de celui que beaucoup appellent le « prophète de l’unité des chrétiens », et qui aura une influence déterminante sur l’évolution des relations entre les différentes Eglises chrétiennes.

A la veille de l’ouverture de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, célébrée du 18 au 25 janvier, l’historienne italienne Mariella Carpinello, spécialiste de l’histoire du monachisme et de ses doctrines ascétiques, remonte aux origines de cette pratique, dont l’abbé Couturier est le précurseur.

Dans un article publié dans L’Osservatore Romano, elle passe en revue les actions qui ont donné « forme et esprit » aux pratiques actuelles de la Semaine, retraçant le parcours qui amena l’abbé français à faire de son « souci d’unité » la vocation de toute sa vie.

Bénédictins belges

Le premier grand tournant remonte à un séjour du P. Couturier à Amay-sur-Meuse (Belgique), en 1932, à l’occasion d’une retraite spirituelle chez les bénédictins, d’où il repartira en prenant deux décisions : devenir oblat d’Amay et apporter à Lyon l’octave de prière pour l’unité des chrétiens.
L’oblature le conduira sur le terrain du monachisme, découvrant que les liens qui unissent la vie monastique et l’oecuménisme sont « vitaux et nécessaires », souligne l’historienne.

Entre 1933 et 1935, l’existence de l’abbé s’écoule dans « la ferveur expérimentale », ponctuée de rencontres avec un cercle de prédicateurs qualifiés, de religieux et de simples , ouvrant dans les années suivantes un « crescendo d’initiatives impliquant la hiérarchie orthodoxe, ses fidèles, les aires protestantes et anglo-catholiques ».
Au milieu de toutes ces initiatives : le « délicat face-à-face » avec le métropolite russe Euloge, en 1934, rappelle Mariella Carpinello, qui entra înera l’abbé Couturier et son « oecuménisme spirituel », dans une nouvelle direction, plus internationale, et totalement orientée vers tous les baptisés chrétiens.

Puis, en 1937, ses premiers contacts avec l’abbesse de la trappe de Grottaferrata (près de Rome), Mère Maria Pia Gullini (1892-1959), très sensible au mouvement oecuménique et désirant fortement le voir s’amplifier.

Frère Roger de Taizé

A l’invitation du P. Couturier, Maria-Pia présenta aux soeurs une demande de prière et d’offrande pour la grande cause de l’unité des chrétiens.
« Accueilli dans le sein vital de la communauté féminine, souligne l’historienne dans les pages du quotidien de la Cité du Vatican, ce simple geste aura des conséquences imprévisibles d’une telle portée qu’une nouvelle zone de convergence oecuménique se créera entre l’Italie et le monde », explique l’historienne.

S’inspirant d’une lettre inédite écrite à l’abbesse en 1957 par la mère de Roger Schutz, le fondateur de la communauté oecuménique de Taizé, Mariella Carpinello évoque également, dans le sillage de Mère Maria Pia Gullini, la figure de Maria Gabriella Sagheddu (1914-1939), un autre exemple fort pour la vie spirituelle des chrétiens de tous les pays.

Deux femmes qui ont adhéré rapidement au mouvement entrepris par le P. Couturier, dans une société religieuse italienne, pourtant encore relativement fermée au dialogue oecuménique. Dans le cadre de ce mouvement, la présence féminine ne manque pas, relève l’historienne, mais le « tourbillon d’émulation soulevé par le cas de soeur Maria Gabriellea » et « le rayonnement planétaire que provoquera le développement de sa communauté » font du cas de Grottaferrata un cas à part, racontant depuis l’intérieur le « merveilleux phénomène du monachisme qui, vécu comme un immense mystère de grâce, investit totalement de l’Eglise »

La seule façon possible d’être chrétien

Les trappistines de Grottaferrata, considérées « très en avance » sur le front oecuménique, commente l’historienne, adoptent « rapidement » la proposition qui descend de Lyon et indirectement d’Amay, dans « ce qu’elles savent faire le mieux : se consumer d’amour pour le Christ ».

Porté à ses conséquences extrêmes, cet amour engendra une « véritable ouverture », et Grottaferrata attirera dans son orbite tout ce qui, au plan oecuménique, constituera une avancée. A ce propos Mariella Carpinello cite quelques noms comme : Igino Giordani, journaliste, cofondateur du mouvement des Focolari, le jésuite Charles Boyer, professeur à la Grégorienne, Benedict Ley de l’abbaye anglo-catholique de Nashdom, le dominicain Christophe-Jean Dumont, du centre russe Istina , Roger Schutz et Max Thurian, les fondateurs de Taizé.

L’abbesse Maria Gullini, explique l’historienne dans L’Osservatore Romano, entre dans « le cercle paradoxal » de ceux qui, les premiers, voyaient dans l’oecuménisme non pas une sorte de spécialisation, mais la seule façon possible d’être chrétiens ». Ceci lui valant de lourdes retombées : perte de son rôle d’abbesse, dur arrachement de sa communauté, exil au monastère de La Fille-Dieu de Romont en Suisse, avant une réhabilitation, mais qui arrivera sur le tard.

Vous ne vous étiez pas trompée

Bien qu’une grande partie de sa correspondance ait été brûlée, la mère abbesse préférant « ne pas compromettre ses filles avec des preuves de relations jugées risquées », sa communauté, aujourd’hui transférée à Vitorchiano, dans la province de Viterbe, a pu récupérer, au fil des années, des lettres et documents auprès de ses correspondants.

Parmi ces lettres, celle, inédite, que la mère de Roger Schutz de Taizé, qui était son amie depuis 1950, lui a écrite à l’issue d’une visite à Grottaferrata, et dont la communauté à a livré quelques extraits à L’Osservatore Romano. Ces extraits confirment les fruits laissés par la Trappe de Grottaferrata, le chemin d’union à Dieu qui conduisit l’abbesse à cette unité, racontent « la grande reconnaissance » des divers ordres et centres nés à son contact.

« La jeune communauté de Taizé, en quelques années, a grandi de 35 frères (…) Mon fils me charge de vous remercier infiniment (…). Je ne peux résister à la joie de vous dire que vous ne vous étiez pas trompée », écrit, entre autres, la mère de frère Roger à Mère Maria Pia Gullini. Un « vous ne vous étiez pas trompé », commente Mariella Carpinello, qui arrive à la Mère alors qu’elle se trouve en exil, et anticipe une reconnaissance plus large des supérieurs de l’ordre et de la hiérarchie ecclésiastique. Ces échanges de correspondance, poursuit l’historienne, sont une occasion pour revenir en arrière, à ces faits qui, même si nous n’en sommes pas conscients, nous ont habilités à la culture de l’oecuménisme ».

Isabelle Cousturié

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