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Mon voisin cet inconnu

Martine Schmitt et Alain Deleu, membres de l’Equipe Missionnaire du Pôle de Meaux avaient en charge la préparation de la deuxième conférence de carême 2011 : « Mon voisin, cet inconnu ». En écho à  la première conférence (cf article du 15 mars) animée par soeur Sylvie, bibliste, qui avait approfondi le thème de l’unité de l’Eglise dans le Christ malgré la diversité de ses membres, les intervenants de la conférence de Crécy, issus du terrain, avaient pour mission de nous expliquer : « Vous pouvez aimer votre voisin dans sa différence ». Ils étaient trois, Affoué, Philippe et Françoise pour nous offrir un grand moment de réalisme !
Etre né quelque part, peu importe, pourvu que mes voisins me reconnaissent !

Affoué Kodjian est née en Côte d’Ivoire. Voilà qu’il y a 10 ans, elle arrive à Trilport, une terre inconnue pour elle. « Ce qui me fait le plus mal, ce qui me dérange » nous dit-elle d’emblée, « c’est quand on me demande : et toi, d’où tu viens ? ». Ces paroles pour moi sont choquantes, car elles me rappellent tous les jours, mon origine, ma couleur de peau. Alors, pour ne pas me sentir trop blessée, je pense au Christ, lui qui, dans son pays, dérangeait aussi. A mon arrivée en France, ce qui a été le plus dur, c’est d’aller vers les gens, d’aller vers les autres. Et pour moi, ca n’est pas facile. Certes, je suis de couleur, tous les jours, on me fait comprendre que je suis d’origine étrangère. Mais, si on va par là, nous sommes tous des gens de couleur, de par la couleur de nos cheveux, blonds, bruns, roux, de par la couleur de nos yeux, bleu, vert, noisette, en un mot, nous sommes tous différents les uns des autres. Alors, je rêve que mon voisin, mon prochain que je rencontre dans la rue, ne s’attache pas qu’à mes différences, à ma couleur de peau, mais qu’il me reconnaisse comme une personne, comme un être humain ! »

Les gens du voyage accordent une grande importance à leurs racines et à leur famille

Philippe Derieux* est diacre sur le pôle de Brie-Sénart et a en charge, au niveau diocésain, l’aumônerie des gens du voyage. Voici en quelques mots, ce qu’il voulait nous partager à travers sa mission dans laquelle il est manifestement très heureux. Tout d’abord, Philippe nous précise que ce que sont les « Gens du voyage » ne correspond pas à l’idée que s’en font les gens en général. En effet, cette appellation est souvent utilisée pour désigner les Roms, (d’origine tsigane) minorité itinérante, alors que 95 % des gens du voyage sont français. On dit souvent d’eux qu’ils ont de grosses voitures et de magnifiques caravanes. Cette métaphore est régulièrement utilisée, évoquant cette image de voleurs de poule qui leur colle à la peau. En fait, les gens du voyage gagnent leur vie. Ils exercent de nombreux métiers. Ils travaillent, entre autre, dans le commerce, les travaux publics, et pratiquent le plus souvent la taille et le ramassage de déchets à domicile, le jardinage, la cueillette saisonnière des fruits et légumes, les vendanges, etc. Comme tous les français, ils paient leurs impôts.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que les gens du voyage accordent une très grande importance aux personnes âgées. Ils sont chrétiens, plutôt attirés par les mouvements évangéliques et pentecôtistes. Il existe, en France, une vingtaine de pèlerinages qui leur sont consacrés (Lourdes, Puy-en-Velay, Paray-le-Monial et surtout les Saintes-Marie de la mer etc.). Ils ont une grande dévotion pour la vierge Marie, qu’ils appellent «la Sainte».

Un baptême célébré à Compans

Leur attachement à la famille, lié certainement à la solidarité et le soutien mutuel que requièrent leur condition de nomade, pourrait nous interpeller, nous autres catholiques. En effet, pour eux, les baptêmes sont l’occasion de grandes fêtes. Cérémonie préparée dans les moindres détails, beaucoup de personnes sont présentes pour accueillir le futur baptisé dans la communauté chrétienne.

D’ailleurs, ils pratiquent une coutume bien sympathique pour signifier le plus beau jour de toute personne qui va vivre le baptême : au début de la cérémonie, quand le parrain arrive devant l’église, avec son filleul dans les bras, il frappe à la grande porte. C’est alors un membre de la communauté, situé à l’intérieur de l’église, déjà baptisé, qui ouvre la porte, manifestant ainsi l’adhésion de toute la communauté chrétienne pour ce nouveau baptême.

Autre étape importante de la vie, le décès d’un proche. Là aussi, ils font preuve d’un grand respect autour de la célébration des funérailles. Comme autrefois, ils font des «veillages» (de la mort à la mise en bière) auprès de l’être cher disparu ; à tour de rôle, amis et membres de la famille se relaient pour veiller le défunt et prier pour le « jugement dernier de son âme ». Souvent, en pèlerinage à Lourdes, ils ont coutume d’inscrire le nom de leurs défunts sur un très gros cierge au pied de la grotte de Massabielle, et restent devant pour le regarder brûler. C’est une autre façon de dire des messes et de continuer à prier pour le salut des âmes de leurs proches.

Philippe conclut sa présentation de ces gens qui l’ont toujours bien accueilli. Malgré leurs différences et les problèmes qu’ils rencontrent (scolarisation difficile, problèmes des terrains d’accueil ou de grand passage), nous n’avons pas à avoir peur de nos frères si différents mais si proches, les Gens du Voyage. Au contraire, osons faire connaissance avec eux, c’est là notre mission !

Témoignage vivant de la « Dame du Voyage », tous les jours en pèlerinage.

De gauche à droite: Myriam Deleu, qui fait du catéchisme familial, Philippe Derieux, diacre, Françoise Gaspard ou la « dame du voyage », et Philippe Legrand, curé du pôle de Meaux.

Françoise Gaspard fait partie de la communauté des gens du voyage.
Elle a cinquante-trois ans, est maman de six enfants et mamie de seize petits-enfants, dont treize scolarisés. Elle travaille très dur (cueillette de courgettes, salades, pêches, raisins, à travers toute la France), elle vote (française depuis 5 générations) et elle paye aussi (le prix de son camion de 14 ans qu’elle doit changer oscille entre 15.000 et 30.000 €).

« Une de mes spécialités : écrire. Rare chez les gens du voyage. Je suis contagieuse, écrire est ma maladie. Ecrire, écrire, écrire, je ne ferais que cela. Le respect a toujours été pour moi d’une très grande importance. Cela fait partie de ma culture et de mes principes. Je raconte ma vie dans les écoles, dans les églises, dans les décharges… Je parle de mes combats gagnés, de ma foi qui m’aide beaucoup.»

Françoise est une personne très attachante et qui a ému l’assemblée par ses propos. Je vous invite à la découvrir ou mieux la conna ître en lisant son livre :
« Mes cris par mes écrits, poèmes de la Dame du Voyage »
Françoise Gaspard – Edition L’Harmattan »

Voici un petit extrait du livre:

« Dans ce monde que tu ne connais pas
Viens de ton plein gré
Si tu veux le visiter
Tu verras que dans ce pays-là
L’enfant est roi
C’est un monde rempli de mystère et de joie
Si tu le veux
Il y a de la place pour toi »

(Ma culture et ma liberté)

Rassemblement à Saint Aubierge

une bannière qui a été brodée par Héloïse Brotons, membre de l’aumônerie, d’après des dessins réalisés par les enfants des gens du voyage

Voici la réflexion qui a été menée en petits groupes à la fin des témoignages:

1. Pour vous, qu’y a-t-il à retenir de tous ces témoignages ?
– La différence fait peur et elle est souvent source de blocage;
– Il faut neutraliser nos peurs pour favoriser l’échange et améliorer la communication dans les deux sens;
– Ne pas se conna ître engendre la peur, ne pas communiquer engendre la violence;
– Il faut oser faire le premier pas pour aller à la rencontre de l’autre, de l’étranger;
– Il faut accepter les autres tels qu’ils sont, reconna ître leur dignité et leur différence;

2. Que pensez-vous pouvoir mettre en oeuvre pour « mieux rencontrer votre voisin » ? personnellement ? au sein de votre communauté ?
– Il faut aller vers l’autre, vers celui qui nous fait peur. Occasionner la rencontre à travers des pots de l’amitié, des fêtes des voisins, de quartier;
– Il faut être à l’écoute de l’autre, prendre le temps de la rencontre;
– Les rencontres avec des bénévoles comme avec le Secours Catholique lors de ses actions caritatives, les interviews dans le journal paroissial, les contacts avec les couples de la préparation au mariage ou lors des funérailles avec l’EAD (Equipe d’Accompagnement au Deuil) permettent cette invitation à l’échange et au dialogue;

La soirée s’est terminée par le notre Père et un chant dédiée à Notre Dame des Gitans

Après tout ce qui a été dit par les intervenants et partagés par les différents groupes de réflexion, il en ressort que si nous voulons vaincre la peur, il nous faut aimer notre prochain. Plus nous aimons, plus la peur dispara ît. Car, quand on aime, on vit dans la confiance. Confiance en soi-même, confiance dans les autres, confiance en Dieu. D’ailleurs, « l’amour ne conna ît pas la peur » nous dit Jacques dans une lettre du Nouveau Testament.
« Amour, espérance et foi (confiance) » constituent les 3 vertus en germe au plus profond de chacun d’entre nous. A nous de savoir les faire fructifier.
Et le Père Philippe de conclure:
« Si, quand nous récitons le Notre Père, nous reconnaissons réellement Dieu comme notre Père, alors nous sommes, sur cette terre, tous frères. Nous ne devons donc pas nous juger les uns les autres ni nous exclure. Nous devons tous nous aimer avec nos différences et ne pas avoir peur les uns des autres. Ainsi, nous pourrons nous adresser en vérité à notre Père du Ciel quand nous aimons tous les frères qu’il nous a donnés. »

Si vous souhaitez joindre Philippe Derieux, voici ses coordonnées:
Portable: 06.13.83.81.05
Courriel: philippe.derieux@wanadoo.fr

Prochaine soirée de carême: le lundi 28 mars en l’église de Neufmontiers.
Le thème abordé sera: « »Chrétiens engagés dans la vie de la cité »»
Les intervenants qui traiteront de ce sujet sont:

– Bernard CASTAGNER (animateur)
fb.castagner@orange.fr

– Pierre COATANEA (social)
p.coatanea@orange.fr

– Christine DUFLOCQ ( syndicat)
christine.duflocq@wanadoo.fr

– François METIN ( économie)
fmetin@metin.fr

– Marie-Cécile SCHMIT (politique)
marie-cs@hotmail.fr

Plan d’accès à la conférence:
Prendre la RN3, à la sortie de Meaux en direction de Paris, tourner à la première route à droite, traverser Chauconin, l’église de Neufmontiers se situe en haut de la côte, en direction de Penchard.

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